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IFRS 9: Retour vers le futur

Les normes IAS (International Accounting Standards) et IFRS (International Financial Reporting Standards) sont des normes comptables internationales élaborées par l'IASB (International Accounting Standards Board) au lendemain des scandales financiers des années 2000, au premier rang desquels l'affaire Enron. Le but est de rétablir la confiance en instaurant fiabilité, transparence et lisibilité des comptes pour en faciliter la comparaison.
Le changement le plus important provient de L'IAS 32 et 39 qui introduisent le principe de l'évaluation des actifs à leur juste valeur. L'objectif de l'IAS 39 est d'établir les principes de comptabilisation et d'évaluation des actifs et passifs financiers. Les actifs doivent maintenant être valorisés dans les bilans à leur valeur de marché à la date de clôture du bilan (juste valeur) et non à leur valeur d'achat historique (coût historique). Ce changement est une réelle rupture avec les principes comptables utilisés jusqu'ici.

IFRS 9 - Une nécessaire évolution

Lors de la récente crise financière de 2007 (communément appelée "crise des subprimes''), le Forum de Stabilité Financière (FSF) a émis en Avril 2008 plusieurs propositions pour gérer cette crise et a mis au coeur du débat le rôle de la comptabilité en juste valeur dans l'accentuation de la crise. Pour mémoire, la baisse de valorisation des actifs financiers liée à la comptabilisation en juste valeur a fait enregistrer aux établissements financiers près de  $150 milliards de pertes en 2008 du fait des dépréciations d'actifs réalisées en vertu du principe de juste valeur.

Faisant face à de nombreuses critiques, la juste valeur est donc minimisée car elle a été tenue pour principale responsable de l'aggravation de la crise. Son caractère pro cyclique - lorsque la valeur du marché augmente, la valeur des actifs augmente et inversement - a contribué à entretenir la spirale de la baisse des marchés boursiers. De plus, dans un marché inactif, on ne peut plus utiliser la valeur de marché et il faut utiliser des modèles mathématiques (Mark-to-Model) basés sur des hypothèses internes à l'entreprise, véritable obstacle à la transparence. Dès lors, une manipulation comptable est possible en jouant sur ces paramètres difficilement décelables en raison de la complexité des méthodes de choix et d'évaluation de la juste valeur.

Avec l'IAS 39, il est également difficile de comparer les états financiers puisqu'il demeure une liberté de choix liée à l'option en juste valeur ainsi que la co-existence des normes comptables nationales avec le référentiel international. Cela entraîne également une complication dans la mise en oeuvre des techniques de gestion des risques avec la nécessité de définir des filtres prudentiels pour faire face aux obligations des régulateurs. Enfin, on peut noter des situations particulières - notamment au bilan des assurances - qui en adoptant les normes internationales doivent comptabiliser leur actif en juste valeur (IAS 39) et leur passif au coût historique ce qui génère une distorsion comptable de leur bilan.

IAS 39 - Rappel de la norme

L'IAS 39 a donc pour but d'établir les principes de comptabilisation et d'évaluation des actifs et passifs financiers. Les principales catégories d'instruments financiers prévues par la norme IAS 39 sont :
  - Les actifs et passifs financiers évalués à la juste valeur par résultat (c'est-à-dire pour lesquels les ajustements de valeur sont comptabilisés au compte de résultat) : ceux sont les actifs et passifs
financiers pour lesquels l'entité a en vue de les revendre dans un avenir proche. 
   - Les prêts et les créances évalués au coût amorti au taux d'intérêt effectif : ceux sont les actifs financiers ayant des échéances précises de remboursement.
  - Les actifs financiers détenus jusqu'à l'échéance évalués au coût amorti au taux d'intérêt effectif : ceux sont également des prêts et des créances mais que l'entité à l'intention de conserver jusqu'à leur échéance ultime.
  - Les actifs financiers disponibles à la vente évalués à la juste valeur : ceux sont tous les actifs financiers qui ne sont pas dans l'une des trois autres catégories.

La détermination de la juste valeur d'un actif peut se faire sur trois niveaux.
  - Le premier niveau est utilisée avec les actifs pour lesquels il existe un marché actif, on utilise alors la valeur de marché : le Mark-to-Market.
  - Si le marché n'est pas actif, on peut valoriser les actifs en observant la valeur des actifs similaires.
  - Enfin si le marché n'est pas actif et non observable, le prix est obtenu à partir de techniques de valorisation interne (telles que les prix de négociations probables ou l'actualisation des flux de trésorerie futures) : le Mark-to-Model. Ce dernier niveau présente un risque évident puisqu'il fait appel à des informations internes plutôt qu'à des sources extérieures indépendantes.

IFRS 9 - Minimisation de la juste valeur

L'IAS 39 est un document dense et complexe comprenant de nombreux régimes dérogatoires. Sa réforme - l'IFRS 9 - comporte trois volets sur les instruments financiers :
1) Classification et évaluation (publié en version définitive le 28 Novembre 2010);
2) Dépréciation (exposé sondage du 5 Novembre 2009);
3) Comptabilité de couverture (exposé sondage du 9 Décembre 2010).

La nouvelle classification réduit à deux le nombre de catégories des classes d'actifs selon le business model de l'entité et des caractéristiques contractuelles des flux de trésorerie de l'actif. De même, la catégorie de l'actif va déterminer son évaluation (coût amorti ou juste valeur). Ainsi, un actif financier se mesure en coût amorti si l'objectif du business model de l'entité est de détenir l'actif pour récupérer les flux et si les flux contractuels de l'actif représentent des versements de principal et d'intérêts. Le choix de la juste valeur s'établit au moment de la comptabilisation initiale si la mesure permet de réduire fortement ou d'éliminer les mismatches.

Pour les dépréciations, l'évolution est importante car en raison du nouveau modèle de classification, les seuls actifs financiers susceptibles d'être dépréciés sont ceux mesurés au coût amorti. Ce coût amorti se calcule à partir du taux d'intérêt effectif et des flux de trésorerie espérés sur la durée de vie restante de l'instrument financier. Enfin, la réforme de la comptabilité de couverture suit les mêmes objectifs de simplification et de remise en question de l'existant.

L'idée directrice de l'IFRS 9 est donc un retour à la comptabilisation au coût historique qui semble bien plus prudentielle que la juste valeur dans un contexte de crise. Cette réponse apportée dans un contexte difficile semble suffisante à court terme. Toutefois, introduire plusieurs méthodes de valorisation va inévitablement
générer une distorsion comptable qui peut à nouveau réduire la lisibilité des comptes.

De nouvelles problématiques à long terme?

L'explosion de la crise pendant l'été 2008 fut l'occasion pour les ministres des finances du G7 de demander la mise en oeuvre des recommandations du FSF et en Octobre 2008, l'IASB publie l'amendement de la norme IAS 39 - prémice de l'IFRS 9 - qui sera immédiatement validé par la Commission Européenne. Ainsi, la nécessité de sortir d'une crise financière majeure a poussé de nombreux acteurs (Etats ; G20 ; G7 ; Régulateurs ; Banques ; Comité de Bâle) à faire pression sur l'IASB pour amender au plus vite l'IAS 39, responsable à leurs yeux de l'emballement de la crise. Cependant, s'il est nécessaire de réformer cette norme, les propositions d'évolutions actuelles, basées sur le retour partiel du coût amorti, ne sont pas suffisantes pour garantir fiabilité, transparence et lisibilité des comptes au niveau international.

Même si les principaux acteurs des institutions financières sont apparemment satisfaits de ces amendements qui permettent de lisser l'impact de la crise, qu'en est-il de la distorsion comptable générée par l'introduction de plusieurs méthodes de valorisation ?

Revenons sur l'exemple des établissements d'assurance vu dans les critiques de l'IAS 39. 85% des actifs d'assurance étant des obligations, l'actif sera donc comptabilisé en coût amorti et sa valorisation n'aura aucun impact sur le compte de résultat et le bilan alors que la variation du passif comptabilisée en juste valeur (selon l'IFRS 4 phase 2) impactera directement le compte de résultat et donc le bilan, via la valorisation du résultat. Ainsi, imaginons en année N un contrat d'assurance vie avec lequel le souscripteur perçoit 90% du rendement financier et qu'en année N+1, l'actif a augmenté de 50%. Il en résulte une distorsion comptable déjà présente avec la norme IAS39 puisque les passifs d'assurance étaient alors comptabilisés au coût historique et les actifs en juste valeur. La comptabilisation selon les évolutions de ces deux normes produit toujours une distorsion comptable !

Par ailleurs, la possibilité de classement des actions en OCI (Other Comprehensive Income) et donc la non comptabilisation des plus-values réalisées en compte de résultat implique un résultat opérationnel faussé et donc des ratios de compte de résultat non pertinents.

Ces deux exemples permettent de s'interroger sur la qualité de l'information qui sera proposée aux acteurs des marchés financiers ainsi que la pertinence d'avoir amender aussi rapidement l'IAS39. En outre, IFRS 9 met fin à la méthode de dépréciation des pertes encourues au profit d'un modèle de pertes attendues, qui permettrait ainsi de constituer des provisions à un stade précoce de la durée de vie du portefeuille. Ce caractère prudentiel d'IFRS 9 fait écho à la règlementation bancaire défini dans Bâle II. En effet, la perte attendue ou ``Expected Loss'' (EL) est également un indicateur de mesure du risque de crédit
selon Bâle II. Cette perte attendue est calculée sur une durée de 1 an et à partir de données historiques alors que selon la norme IFRS 9 elle est calculée sur toute la vie de l'actif financier et à partir de prévisions.  Ainsi les banques qui utiliseront les données issues de leur système de notation interne devront donc ajuster leurs données risques pour tenir compte de ces différences.

Enfin, le renforcement de la régulation financière constitue une priorité pour le G20. Outre l'instauration des normes comptables IFRS et la convergence de ces dernières avec les normes américaines (US GAAP), la réforme des dérivés OTC et les évolutions de la règlementation bancaire (Bâle III) font également parti des travaux d'envergure menés en parallèle par le G20 et le Conseil de Stabilité Financière (FSB) pour l'amélioration de la transparence, la prévention du risque systémique et la promotion de la stabilité financière. L'industrie financière est ainsi en passe de vivre une grande révolution. Afin de réussir leur transformation, les
banques devront donc bien mesurer les impacts directs de ces nouvelles normes et être très vigilantes sur les conséquences croisées que peuvent générer ces travaux règlementaires menés de façon indépendante.

C'est le cas notamment des impacts croisés entre Bâle III et IFRS 9. En effet, de nouvelles règles ont été annoncées en novembre 2010 par le comité de Bâle visant à améliorer le niveau et la qualité des fonds propres ainsi que la gestion de la liquidité.

Concernant les fonds propres, la comptabilisation sous IFRS 9 des réserves et reports à nouveaux auront un impact direct sur les exigences en fonds propres. Dans Bâle III, les réserves et les reports à nouveau sont devenus des éléments clés du Core Tier 1. Et ce dernier, constitué de ces éléments et des actions ordinaires, devra s'élever à 7% du total bilan à l'horizon 2019.

Concernant la gestion de la liquidité instaurée par Bâle III, les changements propres à IFRS 9 de classification des actifs financiers et donc de leur comptabilisation affecteront très probablement la capacité des banques à maintenir leur niveau de liquidité requis par les ratios LCR (Liquid Coverage Ratio) et NSFR (Net Stable Funding Ratio).


Juste valeur versus coût amorti : le débat a-t-il bien été posé ?

L'IFRS 9 entraîne donc le retour de la prépondérance du coût amorti et permet de s'interroger sur l'importance de la responsabilité de la juste valeur dans la crise financière. S'il est vrai que la comptabilisation en juste valeur a été un catalyseur de renforcement de la crise, elle a surtout permis de la détecter très rapidement; ainsi, René Ricol (médiateur du crédit aux entreprises jusqu'en Septembre 2009) a déclaré : "l'application des normes IFRS a permis de détecter rapidement l'existence de la crise financière de 2008 car les banques ont fait apparaître très vite dans tous leurs comptes leur position par rapport aux subprimes''. De même, le retour au coût amorti entraîne également le retour des ses points faibles tels que l'augmentation de la défiance des investisseurs à l'égard des comptes des entreprises et l'occultation de la réelle exposition aux risques pour ces dernières.

Ainsi, eu égard aux nombreuses problématiques soulevées par IFRS 9, les amendements correspondants n'ont-ils pas été adoptés dans l'urgence en privilégiant l'effet d'annonce post-crise au détriment d'une consultation des utilisateurs de compte et de l'analyse des risques ? Enfin, la remise en question de l'IAS 39 aurait aurait-elle dû se centrer sur le débat juste valeur versus coût amorti ? Le réel débat n'était-il pas de revoir les mesures et les choix de traitements comptables de la juste valeur?


Cet article est préparé par MPG Partners, partenaire de Renaissance Finance dans le domaine du conseil en management dédié à l'industrie financière.
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