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Risques de marché: revue fondamentale du portefeuille de négociation

Depuis le début de l'année, les banques européennes participent aux études d'impact liées au document consultatif du Comité de Bâle intitulé Revue fondamentale du portefeuille de négociation " (Fundamental Review of the Trading Book). La période de collecte des commentaires sur la seconde édition de ce document, publiée le 31 Octobre 2013, s'est terminée le 31 janvier 2014. Le dispositif final est donc très attendu. Quels en seront les impacts?

Depuis 2012, le Comité de Bâle œuvre pour la troisième revue de la mesure du risque de marché après la crise financière de 2008. La première réforme de 2009, connue sous le nom de Bâle 2.5, a ajouté une exigence en fonds propres au titre du risque de marché lié aux variations long terme des spreads de crédit (Incremental Risk Charge). Par ailleurs, le calcul de la Value-at-Risk (VaR) a été revu pour introduire la mesure de la VaR stressée. La deuxième réforme, ancrée dans le texte des accords Bâle 3 (décembre 2010), a ajouté une charge conséquente au titre de la variation de la CVA (Credit Value Adjustment) - coût en risque de contrepartie des produits dérivés. La définition du capital réglementaire a également été revue , les fonds propres "Tier 3" n'étant plus éligibles pour couvrir les risques de marché.

Toutefois, le cœur du dispositif bâlois de gestion des risques de marché, à savoir les mesures mêmes, en approche standard et en modèles internes, n'a jamais été revu. Le paysage réglementaire est devenu très fragmenté et la mesure globale souvent illisible. La nouvelle réforme appelée « Revue fondamentale du portefeuille de négociation »   vise à dresser un nouveau cadre global, en allant plus loin que toutes les réformes précédentes. Sera-t-elle un succès? Loin de faire consensus, le débat autour des documents de consultation du comité de Bâle et des études d'impact (Quantitative Impact Studies) se poursuit dans la communauté bancaire.

Les propositions exposées dans le deuxième document consultatif sont ambitieuses. Elles peuvent être classées en trois catégories:

(i) revue des règles de classification des instruments entre le portefeuille de négociation et le portefeuille bancaire (trading book et banking book), qui désormais devraient être plus objectives et réduire les incitations à l'arbitrage réglementaire;

(ii) révision des mesures de risque utilisées dans  l'approche de modèles internes et dans l'approche standardisée et

(iii) renforcement des règles de validation des modèles internes et introduction de la comparaison systématique de ceux-ci avec les calculs par la méthode standardisée.

L'utilité des mesures visant à mieux définir le portefeuille de négociation n'est pas remise en question par la plupart des experts. L'arbitrage réglementaire, qu'il s'agit d'éliminer, consiste principalement à masquer le risque de crédit qui devrait donner lieu à des exigences en fonds propres, en sortant les instruments  du portefeuille bancaire, en faussant l'intention de gestion en les classant dans le portefeuille de trading. Même avec le renforcement des exigences en fonds propres au titre des risques de marché (Bâle 2.5), celles-ci pourraient, dans certains cas, rester inférieures au fonds propres nécessaires pour couvrir le risque crédit. Les nouveaux critères de classification seront fondés sur les fréquences effectives des transactions avec les différentes catégories des instruments et prendront en compte la liquidité de ceux-ci. Pour les banques détenant des produits peu liquides dans le portefeuille de trading, il faut donc s'attendre à une diminution de la taille de ce portefeuille et à une nouvelle augmentation des coûts en capital. Cependant, cet impact ne doit pas être surestimé car la majorité des grandes banques ont déjà restructuré leurs portefeuilles en cédant les actifs susceptibles d'être reclassifiés selon le nouveau dispositif.

En ce qui concerne la mesure des risques de marché, il est prévu de remplacer la Value-at-Risk (quantile dans la distribution des pertes) par l'indicateur de l'Expected Shortfall (espérance de pertes au-delà du niveau de la VaR). Le nouvel indicateur est, en effet, plus robuste du point de vue statistique et capture mieux les événements rares. L'indicateur lui-même ne semble pas poser de problème, mais certaines modalités de calcul sont controversées. Le document consultatif propose de classifier les produits en paniers, en fonction de leur liquidité, et d'en faire dépendre l'amplitude de chocs appliqués aux données de marché pour le calcul des risques. Pour rappel, les chocs utilisés dans le dispositif actuel correspondent à un horizon de 10 jours pour tout le portefeuille. La nouvelle approche, théoriquement séduisante, pose deux problèmes:

-  le premier lié au fait que les chocs, hétérogènes, appliqués simultanément aux différents instruments ne correspondraient plus à des scénarii de marché réalistes. La mesure qui en résulte serait encore plus difficilement lisible que la mesure actuelle qui est déjà très complexe,

-  le deuxième problème est la calibration des chocs de longue durée. Celle-ci devrait se baser sur des échantillons correspondant à des périodes qui se recouvrent (en anglais, "overlapping samples"). Les propriétés statistiques de telles mesures sont difficiles à appréhender et les indicateurs résultants peuvent être biaisés.

Parmi les professionnels du risk management, les doutes s'installent quant à la pertinence de cette nouvelle mesure pour la gestion au quotidien des limites liées aux risques de marché. Certains étudient la possibilité de mettre en place un système d'indicateurs supplémentaires, en plus du calcul réglementaire, pour la gestion courante, si le dispositif tel qu'il est proposé dans le dernier document du comité de Bâle est adopté sans modifications.Le régulateur ne le souhaite pas: la mesure réglementaire devrait, en principe, être utilisée pour la gestion des risques au quotidien. Ce concept fondamental est connu comme "principe de l'utilisation véritable".

La mesure standard serait également revue pour notamment assurer une meilleure sensibilité aux risques et pour mieux prendre en compte la diversification. Mais le changement principal serait l'utilisation de cette  mesure par les banques qui calculent la majorité de leurs risques de marché avec une  « approche modèles internes ». Pour ces dernières, la mesure standardisée n'étaient qu'un calcul supplémentaires sur des périmètres très restreints, souvent limités aux nouvelles activités qui n'ont pas encore été homologuées (pour l'homologation, il faut au moins un an d'historique) ou qui sont de taille marginale. La nouvelle réglementation exigerait le calcul et la publication de la mesure standardisée pour tous les desks de trading et tous les périmètres, même si le calcul de fonds propres utilise les modèles internes. Le régulateur et le management des banques disposeraient ainsi de la comparaison des deux calculs. Les critères de validation des modèles internes devenant en même temps plus strictes, il est aussi possible d'anticiper que les cas de « déshomologation », i.e. du passage forcé en méthode standard pour un certain périmètre, seront plus fréquents.

Pour la plupart des banques, la revue de la mesure du risque de marché est aussi un véritable défi par rapport à la capacité du système d'information et des outils de risques à produire les indicateurs exigés. Les coûts de remise à niveau et de maintenance des outils de risques peuvent être considérables, sans oublier que la réforme actuelle est la troisième consécutive depuis 2009 et que les deux modifications précédentes ont déjà nécessité de lourds investissements. Les banques les plus petites pour lesquelles les activités de marché sont marginales pourraient renoncer complètement à l'utilisation des modèles internes, ce qui est probablement l’une des intentions du régulateur. Pour les grandes banques, il faut s'attendre au démarrage de projets de refonte des systèmes de risques de marché dans l un avenir très proche.

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